N’avez-vous jamais rêvé de fabriquer l’objet de vos rêves ?
Depuis l’arrivée des Fab Labs (Fabrication Laboratories), l’appropriation citoyenne des technologies de l’industrie traditionnelle semble à la portée de tous. On dénombre actuellement plus de 500 ateliers de fabrication communautaire regroupant un ensemble de machines à commande numérique à accès libre.
Sur le principe du DIY (« Do it yourself, do it with others » – « faites-le vous-même, faites-le avec les autres »), artistes, bricoleurs du dimanche, entrepreneurs, designers et ingénieurs se retrouvent dans ces ateliers afin de créer eux-mêmes des objets à partir de machines-outils assistées par ordinateur. Refusant la condition du consommateur passif de produits manufacturés, les Fab Labs laissent entrevoir un nouveau modèle économique et politique, potentiellement subversif. S’agit-il réellement d’une « nouvelle révolution industrielle » ou d’un mouvement dans l’air du temps ?
Retour sur le phénomène Fab Lab.
« Comment fabriquer (à peu près) n’importe quoi »
Le principe est simple. « Il s’agit de créer plutôt que de consommer», dit souvent le physicien américain Neil Gershenfeld – chercheur du Massachussetts Institute of Technology (MIT) et à l’origine du concept des Fab Labs dans les années 2000. Pour obtenir ce label, il faut adhérer à la charte élaborée par le Center for Bits and Atoms et posséder des machines-outils adéquates (par exemple : fraiseuse de précision, perceuse à colonne, découpeuse laser, ou encore imprimantes 3D).
Moyennant une cotisation et un faible tarif horaire, ils permettent à chacun, quel que soit son niveau de connaissance préalable, de produire rapidement et à la demande presque tous les objets, même de haute technologie. Et ce, en partageant gratuitement savoirs, procédés et technologies nécessaires. L’imprimante 3D – c’est-à-dire une machine numérique qui, en appliquant des couches de plastiques les unes sur les autres transforme un fichier numérique en objet réel – est à l’origine du « buzz ». Révolutionnaire, les Fab Labs se transformeraient ainsi en « Fabulous Laboratories », capables de créer à la demande, localement, rapidement et à moindre frais ce que l’on souhaite. Exit le Made in China ? Gloire à l’artisanat 2.0 ? La réalité est malheureusement plus triviale. Les imprimantes 3D disponibles dans les Fab Labs sont encore limitées dans la création d’objets sophistiqués: l’impression est lente et se cantonne au plastique.
L’expérience Fab Lab n’est pourtant pas à démystifier. Dans le courant de l’économie collaborative, les Fab Labs constituent des milieux alternatifs de création et d’innovation.
Une expérience collaborative et sociale
Avant tout, les Fab Labs sont des plateformes d’expérience collective et de partage de connaissances à l’échelle locale et planétaire. Votre bouton de micro-ondes est cassé ? Grâce à un logiciel de conception assistée par ordinateur (CAO), vous imaginez un plan ; l’imprimante se chargera de modeler la matière et de produire un objet réel. Une fois l’objet réalisé, il est possible de partager son fichier sur Internet et de recevoir les commentaires des autres utilisateurs (versions améliorées, adaptées, répliquées, etc.).
L’apprentissage par la pratique y est valorisé et chaque membre de la communauté est en mesure de contribuer au projet de son choix. Ainsi, selon la charte des Fab Labs, la dimension éducative et la démocratisation du savoir sont essentiels. Les activités commerciales « ne doivent pas faire obstacle à l’accès ouvert » et la plupart des fichiers sont en open source, commentés puis validés par d’autres utilisateurs.
Les Fab Labs sont aussi des espaces de rencontre, d’échange, d’insertion professionnelle permettant de créer du lien social et de répondre à des besoins « non rentables » par l’unicité de leur production et l’appropriation citoyenne de techniques et de matériaux. Au lieu de remplacer un objet cassé ou abîmé, il est désormais possible de produire une pièce manquante ou améliorer la fonctionnalité de l’objet à moindre coût. Si les Fab Labs ne cessent de se démultiplier ces dernières années, à quand des Fab Labs dans les villes en périphérie, dans les zones urbaines sensibles ou dans les villages isolés ?
« Une révolution en marche » ?
La France compterait aujourd’hui une cinquantaine de Fab Labs actifs, sans avoir reçu l’agrément du MIT ou même l’avoir demandé. Cet engouement du gouvernement français devant la montée en puissance des Fab Labs est visible. En témoigne l’appel à projets lancé en juin 2013 par Arnaud Montebourg, Ministre du Redressement Productif, ou encore les propos de Fleur Pellerin, la Ministre déléguée à l’Economie Numérique « nous voulons polliniser le territoire avec des Fab Labs et lancer un mouvement d’alphabétisation numérique ». La montée en puissance des Fab Labs ne fait aucun doute, 154 dossiers ayant été déposés en provenance de 23 régions, dont 70 % en dehors de l’Ile-de-France.
Les Etats-Unis se sont eux, déjà lancés dans l’aventure. Un membre du congrès américain, Bill Foster a ainsi introduit le « National Fab Lab Network Act » pour développer un réseau en partenariat public-privé et « augmenter l’invention et l’innovation et créer des entreprises et des emplois ».